À environ vingt kilomètres de Mongo, dans le village de Golonti, entouré par des montagnes majestueuses et de paysages verdoyants, réside une femme au parcours remarquable. En effet, Jamié Djimet, la quarantaine, se lève chaque jour non pas pour se conformer aux traditions, mais pour bâtir son avenir, tant sur le plan matériel que spirituel
Le 27 juin 2025 vers 11 heures, une silhouette se dessine au sein des montages du Guéra, près du village de Golonti. Dotée d’une peau noire, une voix rauque et puissante laisse une impression indélébile. Veuve et mère de quinze enfants, Jamié Djimé se distingue en tant que maçonne. Plutot que de bâtir des mûrs, elle conçoit des dalles en ciment pour les latrines, une activité rare presque inimaginable pour une femme dans cette région du Tchad.
Son parcours débute avec une formation proposée par l’UNICEF à Mongo, où elle apprend à fabriquer ces dalles si importantes pour lutter contre la défécation à l’air libre, phénomène encore persistant dans les zones rurales. À l’issue de cette formation, l’UNICEF lui octroie, par le biais du fonds allemand, 12 sacs de ciment, 12 barres de fers à béton, ainsi que des gants et tout le matériel requis pour démarrer son activité.
Peu après, un incendie détruit tout son parcours. Beaucoup auraient renoncé, mais pas Jamié. Utilisant les ressources à sa disposition, elle fabrique ses premières dalles. Elle en fait don au centre de santé de Golonti, au chef de canton, ainsi qu’à plusieurs familles de la communauté. Ce geste altruiste constitue le point de départ de sa notoriété. Aujourd’hui, elle reçoit des commandes non seulement de son village, mais également des localités environnantes.
Toutefois, cette tâche est ardue. Pour collecter du gravier, elle doit escalader les montagnes qui entourent Golonti. Du sommet, la vue révèle un paysage magnifique : les cases traditionnelles éparpillées parmi les arbres, les troupeaux de bovins, offrant une parfaite harmonie entre la tranquillité et la nature sauvage. C’est dans ce décor que Jamié trouve sa force. Chaque jour ou presque, elle parcourt plusieurs kilomètres avec ses enfants pour ramasser du sable et du graviers, un effort parfois des blessures.
Elle commercialise chaque dalle au prix de 7 000 F CFA. Ce revenu lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. De plus, elle ne garde pas son savoir pour elle-même. Cinq de ses enfants ont déjà acquis les connaissances pour fabriquer des dalles, et sont prêts à reprendre le relais si besoin. « Même en mon absence, ils peuvent honorer une commande », affirme-t-elle avec fierté.
Dans une société où le rôle des femmes est souvent relégué à l’arrière-plan, Jamié fait entendre sa voix et affirme sa présence. Reconstruisant sa maison après un incendie, elle s’occupe elle-même des fondations. Lorsque vient le moment d’installer le toit, son cousin intervient en disant : « Il n’est pas approprié qu’une femme monte si haut.» Il se charge alors de cette tâche mais, le travail principal revient à Jamié.
Ce qu’elle construit dépasse largement le simple béton. Il s’agit d’un chemin vers émancipation, d’une solution vers les problématiques d’assainissement, et une forme de résistance face à la pauvreté. « Les femmes doivent se battre. Tout ce qu’un homme peut accomplir, une femme est également capable de le réaliser. Lorsqu’une femme travaille, elle acquiert une liberté et une autonomie, qui lui permettent aussi de s’occuper de ses enfants », déclare-t-elle avec détermination.
Elle sollicite un soutien, en particulier un moyen de transport pour faciliter ses déplacements et la livraison de ses matériaux. Cependant, en attendant cette aide, elle poursuit son chemin. Chaque pas qu’elle fait représente une avancée vers la liberté, tant pour elle que pour sa famille, et pour toutes celles qui l’observent en silence et, peut-être, aspirent à suivre son exemple.
À Golonti, Jamié Djimet va au-delà de la simple production de ciment; elle établit un véritable modèle d’excellence dans son domaine.
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