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Tchad : la révision technique de la Constitution introduit des changements majeurs touchant ses fondements.

19 septembre 2025
Assemblée Nationale du Tchad
Temps de lecture : 5 minutes

Les députés tchadiens se sont réunis lundi 15 septembre 2025 à l’Assemblée nationale dans le but initial de proposer des révisions techniques sur divers aspects de la constitution tchadienne. À la surprise générale, ils ont modifié des dispositions fondamentales de la Constitution du 23 décembre 2023 de la Cinquième République.

Ces amendements techniques ont été soumis aux députés tchadiens pour approbation et validation.

  • Le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans ;
  • La création du poste de Vice-premier ministre ;
  • Les mandats des députés, des sénateurs et des élus locaux fixés à six (6) ans ;
  • Le financement public des campagnes électorales ;
  • La suppression de l’alinéa 2 de l’article 77 ;
  • La transformation du “médiateur de la République” en Médiature de la République ;
  • La responsabilité pénale des membres du gouvernement devant les juridictions de droit commun pour crimes et délits économiques et financiers.

Au terme de cette journée de travail, 171 des 188 députés présents ont voté en faveur de l’adoption de la nouvelle version de la constitution le lundi 15 septembre 2025. En substance, cela signifie que la réforme proposée annule la limitation actuelle du mandat présidentiel, permettant un passage d’un quinquennat renouvelable à un septennat sans limitation.

Députés tchadiens adoptant la révision technique de la Constitution (crédit photo, Service communication AN)
La révision de la Constitution entraîne des réactions variées. 

Les réactions ont rapidement fusé. L’opposition tchadienne s’indigne du projet de révision de la Constitution que le gouvernement veut faire valider au forceps. Celui-ci avance que cette modification, considérée comme technique, compromet les principes républicains et mérite d’être soumise à un référendum pour en assurer la légitimité. De plus, l’opposition critique la démarche du régime de Mahamat Idriss Déby Itno, qui aspire à gouverner sans l’aval du peuple et à se maintenir indéfiniment au pouvoir.

Une autre proposition formulée consiste en l’abrogation d’une disposition qui empêchait le Président Mahamat Idriss Deby Itno de cumuler sa fonction de chef de l’État avec celle de président de son parti, le MPS (Mouvement Patriotique du Salut). Cette limitation a été levée dans la récente révision de la constitution. Lors des débats au Parlement, le député Tchoroma Bang Woli, membre de la majorité présidentielle, a exprimé son soutien en faveur de l’établissement d’une présidence à vie pour le chef de l’État Mahamat Idriss Deby Itno, affirmant : « Il nous manque même d’audace, nous devons accorder un mandat illimité, c’est-à-dire une présidence à vie au chef de l’État. Oui, car le pouvoir est une émanation divine. »

L’opposition met en garde contre les menaces de la réforme constitutionnelle.

Lors d’une conférence de presse tenue le mardi 16 septembre à N’Djaména, le Groupe de Concertation des Acteurs Politiques (GCAP) a exprimé des inquiétudes quant à la réforme de la Constitution de la Cinquième République. Le GCAP estime qu’elle pourrait conduire le pays vers un régime de pouvoir absolu et illimité. Le porte-parole du GCAP, M. Max Kemkoye, a ajouté que le Tchad pourrait ne plus être perçu comme un État ou une République, mais simplement comme une propriété privée sous le contrôle d’un groupe restreint d’individus.

Les membres du GCAP
Les membres du Groupe de Concertation des Acteurs Politiques (GCAP) au Tchad

Par ailleurs, Bera Dénéran Marina, Présidente du Parti des Travailleurs pour le Progrès et l’Adhésion Sociale, a réagi en déclarant que l’opposition ne tolérera pas de changement constitutionnel. Elle accuse le gouvernement de créer les conditions nécessaires pour plonger le pays dans le désordre. Dans cette optique, elle exhorte le président de la République à endosser pleinement ses responsabilités et à refuser de céder à une concentration des pouvoirs. La proposition de réforme, validée par 171 des 188 députés, soit 90 % des voix, sera soumise au Sénat avant un vote final lors du Congrès prévu le 13 octobre prochain.

Les contenus du DNI en souffrance, la paix fragilisée ?

Les réformes en cours suscitent des inquiétudes croissantes parmi les citoyens tchadiens. Des analystes affirment qu’elles ne correspondent pas aux conclusions du Dialogue national inclusif (DNI) de 2022. Le DNI avait rassemblé environ 1400 participants, incluant des membres de l’opposition civile et militaire, la société civile et le conseil militaire de transition.

Les propositions du DNI s’inspirent de la Constitution du Tchad de 1996, axée sur des valeurs fondamentales telles que la justice sociale, l’égalité, la laïcité et une gouvernance efficace. Le Dialogue National Inclusif (DNI) prône également un renforcement de l’indépendance de la justice ainsi qu’une lutte active contre les ingérences politiques. Ensuite, un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, a été suggéré sans possibilité de révision constitutionnelle durant cette période. Les participants au DNI ont également souligné l’importance de promouvoir les droits humains, de protéger les libertés fondamentales, d’assurer la liberté de la presse et de combattre l’impunité, le népotisme, la corruption, le repli identitaire et la haine.

D’après le GCAP, c’est clair que le régime tchadien néglige ces éléments fondamentaux. Il prédit que « le Tchad entre dans la première phase d’une série de souffrances inédites pour le peuple ». Les événements futurs, selon le porte-parole du GCAP, sont sans précédent pour le Tchad, contrairement à ce que les dictateurs successifs ont pu implanter entre 1960 et 2021. Il est donc clair que la paix demeure extrêmement fragile dans ce contexte.

 

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