Après une cérémonie d’obsèques et des discours qui appelaient presque tous au dialogue et à l’unité nationale pour préserver la paix et la periode de deuil de feu Maréchal-président Idriss Deby Itno à Amdjaras, les prochains jours au Tchad s’annoncent mouvementés, voire riches en rebondissements.
Si le G5 Sahel et la France ont apporté leur soutien au CMT pour préserver selon eux la stabilité dans le pays et la région du Sahel, beaucoup de leaders politiques, d’associations de la société civile, de syndicats, de leaders et artistes tchadiens ne sont pas d’accord et voient les choses différemment. Si certains parlent de la confiscation du pouvoir par les militaires ou d’un coup d’état, d’aucuns pensent que l’histoire risque de se répéter et ne font pas confiance au CMT qui prévoit un renouvellement de son mandat après 18 mois. Ils appellent donc à passer la transition à un civil avec la création d’un gouvernement de transition.
Non au maintien du CMT au pouvoir, oui a un gouvernement de transition favorisant un dialogue inclusif
Le ton monte au sein de la société civile contre ce qu’elle appelle la confiscation du pouvoir. Le Mouvement Citoyen le Temps (MCT) appelle même à une marche pacifique sur toute l’étendu du territoire à partir du mercredi 28 Avril. Pour le MCT, la population doit « sortir massivement dans tous les arrondissements de N’Djamena et dans les provinces du pays pour dire non au coup d’État et à la confiscation du pouvoir ». Elle dénonce une ingérence de la France. L’initiative des organisations de jeunes a aussi fait une déclaration à l’espace Fest Africa à Ndjamena, elle affirme son ferme attachement aux institutions républicaines et ses membres désapprouvent toute tentative de déstabilisation des tissus socio économiques du pays.
Dans le même sillage, La Coordination des actions citoyennes dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires et réclame le retour à l’ordre constitutionnel avec à la clé un dialogue intégral et inclusif. Elle demande l’intervention de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. Une autre association, pour le développement, la lutte contre la pauvreté et la violence du Wadi-Fira (ADPV) au Nord du pays exige quant à elle le transfert immédiat du pouvoir aux civils. Le Bureau exécutif de la Confédération indépendante des syndicats du Tchad (CIST) parle lui d’un recul très grave de la démocratie avec les militaires qui dirigent la transition. Le bureau exige la tenue d’un forum national inclusif regroupant toutes les couches sociopolitiques de la nation.
Les artistes tchadiens ne sont pas en reste. Une plate forme d’artistes appelée « Au Nom du Respect » dont fait partie l’artiste très engagé N2A Teguil a aussi donné son opinion. La plate forme s’attaque à la France : elle « exige la non-implication de la politique française dans la gestion des affaires tchadiennes et condamne « avec énergie le mécanisme de la France-Afrique derrière lequel la France se cache pour orchestrer des barbaries sur notre territoire ». Plusieurs autres regroupements socio-professionnels et des syndicats dont le Syndicat des fonctionnaires et contractuels, l’Ordre des Avocats, le syndicat des enseignants du supérieur, le syndicat des enseignants du Tchad ont aussi fait part de leurs préoccupations. Presque tous appellent au dialogue inclusif et au retour à l’ordre constitutionnel. Le syndicat des enseignants du Tchad a appelé à la cessation de toutes activités.
Le contenu de la charte de transition ne fait pas l’unanimité et inquiète plus d’un Tchadien
Plusieurs voix s’élèvent, non seulement contre la conduite de la transition par les militaires du CMT avec à la tête le fils du défunt président mais aussi contre le contenu de la charte devant régir le pays pendant ce temps. « Mahamat Kaka a plus de pouvoir qu’en avait son père ! », a déclaré ce dimanche le secrétaire général de la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme, Mahamat Nour Ibedou sur les ondes de RFI lors de l’émission le « Débat africain » animée par Alain Foka. Il y était invité avec Masra Succès, président des Transformateurs, Mahamat Zene Bada Abbas, Secrétaire Général du Parti du défunt président et de Ali Abderamane Haggar, enseignant chercheur et ancien recteur de l’Université de Ndjamena.
L’autre point qui pose problème est la clause qui indique que le mandat du Conseil Militaire de Transition peut être renouvelé. Certains y voient une intention cachée du CMT de s’éterniser au pouvoir. Pour cette raison, beaucoup d’organisations et opposants appellent à des manifestations dès le mardi 27 avril. Le président du CMT, Mahamat Idriss Deby Itno, multiplie de son coté les tractations. Il a eu toute la semaine des rencontres pour discuter avec des personnalités sur la suite à donner aux choses.
Des rebondissements dans l’affaire des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) sont aussi à noter. Les rebelles se sont prononcés en faveur d’un cessez-le-feu et veulent à travers cela donner une chance au dialogue et à une « solution politique ». Mais surprise, le Conseil militaire de transition oppose son refus. « L’heure n’est ni à la médiation ni à la négociation avec des hors-la-loi », selon le général Azem, membre du CMT. Le CMT appelle par ailleurs le Niger et les pays du G5 Sahel à les aider à pour poursuivre les rebelles jusqu’au Niger où selon les informations, ils se seraient réfugiés.