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Cri d’alarme du secrétaire général de commission nationale tchadienne de l’UNESCO, Abdelkerim Adoum Bahar : Certaines langues du Tchad menacées de disparition.

23 février 2018
Temps de lecture : 8 minutes

Certaines langues du Tchad sont menacées de disparition au profit des langues vernaculaires. C’est la sonnette d’alarme du  secrétaire général de la commission nationale tchadienne de l’UNESCO à l’ occasion de la commémoration de la journée internationale de la langue maternelle. Une journée commémorée le 21 février de chaque année dans plusieurs pays. Le Tchad n’a pas fait pas exception. A l’occasion, Dandal Kura Radio International a eu un entretien exclusif avec le secrétaire général de commission nationale tchadienne de l’UNESCO. Selon Abdelkerim Adoum Bahar, le développement d’une société ne peut passer sans valoriser les langues nationales. Nous vous proposons l’intégralité de l’entretien :

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Le 21 février de chaque année est commémoré comme journée internationale de la langue maternelle. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à propos de cette journée ?

Abdelkerim Adoum Bahar : c’est vrai que l’UNESCO, a institué le 21 février de chaque année pour la commémoration de la journée internationale de la langue maternelle. Comme vous le savez, une langue est le principal vecteur d’une culture. La culture se définit d’abord par la langue, le monde évolue et beaucoup des langues sont en train de disparaitre. C’est pourquoi l’UNESCO a pensé à une journée particulière comme tout autre aspect de la culture pour chaque pays pense  préserver cet aspect de sa culture.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Quel apport que fait l’UNESCO dans la promotion des langues maternelles.

Abdelkerim Adoum Bahar : Le fait qu’on ait retenu une journée internationale de la préservation de la langue maternelle, c’est déjà une très forte contribution. Ici au Tchad, il y avait 4quatre ou cinq ans, on la célébrait chaque année et, c’est de manière décentralisée. Je me souviens, la dernière fois, que j’avais participé à la commémoration de cette journée à Bol dans la région du lac. Donc, le fait qu’il y ait cette journée est déjà une contribution de l’UNESCO que chaque pays devrait mettre en œuvre en pensant aux langues que sa population parle. Ici au Tchad nous avons plus de deux cent langues maternelles, vous imaginez aujourd’hui si nous recensons, est-ce-que nous allons trouver ces langues que nous avons recensé,  il y a quelques années. Il y a des langues qui ont peut-être déjà disparu. En discutant avec les linguistes, ils ont dit qu’il y a des langues qui sont disparues et il y a d’autres qui sont en dangers. Donc,   il faut déjà penser faire quelque chose.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Qu’est-ce que l’UNESCO est en train de faire pour éviter que ces langues en dangers ne disparaissent ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Au niveau du gouvernement, il a été institué l’alphabétisation des adultes en langue maternelle. Cette initiative est fortement soutenue par l’UNESCO et les autres partenaires de l’éducation au Tchad. A cet égard, cela fait maintenant quatre ans que des fonds importants du partenariat mondial de l’éducation ont été mis à la disposition du gouvernement, en particulier, du ministère de l’éducation pour promouvoir l’alphabétisation en langue maternelle. A cet égard il y a cinq langues qui sont retenues et qui ont fait l’objet de travail avec la population. Des animateurs d’alphabétisation en langues maternelles ont été formés, des associations ayant créés des structures d’alphabétisation existent et elles ont été sollicitées de mener sur le terrain les activités d’alphabétisation que le ministère de l’éducation avait prévu et qui ont été financé par les bailleurs de fonds. C’est l’UNESCO qui a apporté son appui technique à la fois pour l’élaboration des manuels didactiques mais également pour la formation des animateurs.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Quelles sont ces cinq langues ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Je ne saurais vous le dire de mémoire, mais je crois que c’est la langue sar, Moundang, arabe locale. Je crois que du côté du Ouaddai aussi,  il y a une langue qui est retenue et aussi du côté de Guera.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Quel est votre message à la population du Tchad par rapport à cette journée ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Vous savez, selon les linguistes que j’ai rencontré en particulier le professeur Alio Hassan, et d’autres, ils ont même recensé un certain nombre des langues qui ont disparu. Je peux vous les citer, ce sont les langues Sarwa, Miltou et la langue Gadang dans le Chari Baguirmi et la Tandjilé et puis il y a la langue Djefou, Kofa , Mogoum, il y a aussi la langue Mabré au Guera, la langue Tounia, Kibet, Moura, Esignar au Moyen Chari, le Salamat et Darsila et j’en passe. Ça, ce sont des langues semblerait- il perdues.

Il y a aussi des langues qui sont en danger. Alors comment dire qu’une langue est en danger ?  C’est lorsque ces locuteurs utilisent de moins en moins cette langue en question. Si  on utilise une langue de moins en moins, cela voudrait dire que le nombre des locuteurs diminuent également. Ça veut dire également que la génération qui arrive après ne pourra pas parler cette langue, et ce qui provoque cela il y a certaines calamités, certaines catastrophes, des guerres d’une manière générale et que la population afflue une région qui n’est pas la leur où ils sont obligés de s’intégrés. Ils finiront par perdre leur propre langue et donc ce sont des phénomènes naturels qui sont là avec lesquels les langues arrivent à disparaitre avec le temps. Maintenant il faut en prendre conscience. Je ne sais pas si vous parler votre langue maternelle.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Je bondis sur l’occasion pour savoir la position de la langue Kanembou ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Je pense que la langue kanembou fait partie des langues qui courent moins des risques par ce que nous sommes en contact avec les kanembous ça fait des années  et chaque fois que deux kanembou se rencontre parle en patois et je pense que  y a aussi beaucoup des langues du nord qui sont solidement installées parce que les parents se soucient systématiquement de les apprendre à leurs enfants. C’est la même chose également dans le sud du pays. Je pense que dans certaines régions,  les gens ont tendance à parler en arabe locale et c’est elle qui est en train d’avaler certaines de nos langues maternelles parce qu’elle est une langue véhiculaire. Toutes les langues véhiculaires fortes avalent les autres ?

Au sud, c’est peut-être le Ngambaye, au Nord je ne sais pas laquelle et ainsi de suite. Le message que je pourrais donner, c’est qu’effectivement nous les adultes devront savoir le risque que nous faisons prendre à ne pas parler à nos enfants en nos langues.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Comment les enfants apprennent nos langues ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Ce n’est pas sorcier, moi je pense que quand on a des enfants en bas âges que le papa, la maman commencent à parler à ces enfants-là. On n’a pas besoin de le parler en français,  ni en arabe. L’arabe, ils l’apprendront dans la rue. Le français,  ils l’apprendront à l’école. Il faut donc qu’on fasse des efforts pour parler à nos enfants de bas âges, à partir d’un an ou même moins.

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Quelle est le rôle de la radio dans la promotion de la langue maternelle ?

Abdelkerim Adoum Bahar : Bon ! La radio a un rôle très important parce qu’effectivement les langues qui sont utilisées sont attentivement suivi par leurs principaux locuteurs et donc peut permettre aux jeunes de s’intéresser et les apprendre parce que c’est avec la radio qu’on peut effectivement communiquer avec les habitants les plus éloignés. Il suffit simplement d’avoir un poste radio et parler à tout moment sans besoin d’électricité et quoi que ce soit. Aujourd’hui, votre radio émet, par exemple, dans plusieurs langues autour du lac Tchad. Cela permet effectivement de garder le dynamisme de ces langues là et de diffuser des informations très importantes dans la population, de maintenir cette culture, comme je l’ai dit, la langue,  c’est un vecteur de culture très important d’une communauté. Je crois qu’il faut effectivement, de plus en plus, que nos radios communautaires diffusent dans les langues locales parce que ce sont des langues de proximité. Cela permet à tout le monde de dire quelque chose

Dandal Kura Radio International Ndjamena : Merci Abdelkerim Adoum Bahar

Abdelkerim Adoum Bahar : Merci Dandal Kura Radio International N’Djamena

 

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Ali