La journée du samedi 5 février 2021 à Ndjamena n’a pas été comme d’habitude. Elle fut très mouvementée en raison de la marche organisée par quelques partis politiques dont le parti des Transformateurs associé à des organisations de la société civile.
Faisant le bilan de cette marche, le porte-parole de la police Nationale Paul Manga a déclaré : « La police nationale a dispersé quelques manifestations sporadiques à l’aide de gaz lacrymogène. Des véhicules de la police nationale ont été endommagés, des rues barricadées et des pneus brûlés sur la voie publique ». Il ajoute que le président des Transformateurs à la tête d’un groupe de manifestants, a forcé les locaux de l’ambassade des États-Unis au Tchad et que des policiers postés devant l’ambassade ont été brutalisés par ces derniers. Selon la déclaration du porte-parole de la police, quelques individus ont été interpellés par la police pour troubles à l’ordre public, atteinte à l’intégrité physique des agents et destruction de biens publics.
Plusieurs manifestants dont le défenseur des droits de l’homme Mahamat Nour Ibedou et la trésorière du mouvement les Transformateurs, Fatimé Abdelkerim Soumaïla font partie des personnes interpellées par la police. Succès Masra, président des Transformateurs qui est l’un des principaux instigateurs de cette marche, fait partie de ceux qui se sont refugiés à l’Ambassade des Etats Unis.
A Moundou, ville économique du pays, quelques membres du parti les Transformateurs ont été arrêtés à la veille de la marche au siège de leur parti. Aux dernières nouvelles, ces derniers auraient été libérés.
« Marcher c’est agir et le peuple tchadien y a droit ».
Les initiateurs de cette marche ont été motivés par la lutte pour la justice, l’inclusion et l’alternance. Ces derniers disent que le régime du président Deby ne doit plus continuer à rester car l’injustice est devenue monnaie courante dans ce pays et la plupart des tchadiens ne bénéficie pas des richesses du pays. Après l’annonce de cette marche, un arrêté du ministre de la Sécurité publique, Mahamat Tahir Orozi l’avait interdite. La Police nationale, la Gendarmerie nationale et la Garde nationale et nomade avaient été instruits pour faire appliquer l’interdiction de manifester.
Mais après l’interdiction, les initiateurs n’ont pas déchanté décidant de maintenir la marche. Car pour Succès Masra : « Marcher c’est agir et le peuple tchadien y a droit ». Dans la lignée, plusieurs partis politiques et associations de la société civile ont à travers des déclarations et communiqués de presse, décidé de soutenir la marche, qualifiant ainsi la décision du ministre d’inconstitutionnelle. Selon eux, le droit de marche pacifique est reconnu par la constitution.
Ce samedi donc, de nombreux manifestants sont sortis. On pouvait voir des femmes torse nus dans les rangs, le drapeau ensanglanté entre les mains, de nombreux jeunes et toutes les catégories de la population défiler dans les rues. Des pneus ont été brûlés dans plusieurs arrondissements de la capitale tchadienne poussant ainsi la police antiémeute, le Groupe mobile d’intervention de la police (GMIP) à intervenir violemment.
La participation des artistes engagés à la marche
Des artistes faisaient aussi partis de ceux qui manifestaient. Le rappeur Ray’s Kim par exemple pour qui c’est le système en place qu’il faut changer: « En tant que Tchadien aujourd’hui, on a toutes les raisons pour pouvoir s’indigner, on a toutes les raisons pour pouvoir exprimer notre ras-le-bol. Imaginez un gouvernement qui ne vous respecte pas, un gouvernement qui ne vous considère pas. Alors si un tel gouvernement existe, il faut le mettre de côté et en installer un autre ». Comme beaucoup d’autres Tchadiens, Rays Kim est contre un sixième mandat de Deby. Les candidatures pour l’élection présidentielle doivent être déposées entre le 13 et 26 février. Plusieurs partis de l’opposition veulent faire front et présenter un seul candidat, dont Saleh Kebzabo arrivé deuxième lors des dernières élections avec 12,8%.
Le président Deby se faisait investir comme candidat à sa propre succession
Agé de 68 ans, Le président Deby s’est fait investir le même jour comme candidat pour un sixième mandat par son parti. Deby dirige le Tchad depuis trente ans. La principale raison qui a poussé une partie de la population à manifester est ce sixième mandat qui n’est pas du gout de tous. Outre la justice sociale tant réclamée, l’alternance politique figure aussi parmi les principales revendications ». Mais Deby ne l’entend pas de cette voix : « Permettez-moi, mes frères et sœurs, de vous dire que c’est après une mûre et profonde introspection que j’ai décidé de répondre favorablement à cet appel, cet appel du peuple » a-t-il déclaré lors de son investiture.