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Paix et sécurité

La défection massive des combattants peut pousser les gouvernements à vaincre Boko Haram

20 août 2021
Temps de lecture : 5 minutes

Depuis la mort d’Abubakar Shekau, plusieurs anciens membres de Boko Haram ont quitté le groupe armé pour se rendre aux autorités. Selon une étude récente de l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS), réalisée par Malik Samuel et Remadji Hoinathy, chercheurs au programme du bassin du lac Tchad, ce sont au moins 2 122 personnes associées à Boko Haram qui ont quitté le groupe depuis le décès d’Abubakar Shekau, chef de longue date de sa faction, Jama’atu Ahlis Sunnah lid-Da’wati wa’l-Jihad (Jas).

Les départs s’observent surtout au Nigéria et au Cameroun. Selon l’étude, en 2016 quand le groupe Boko Haram s’était divisé en deux factions -ce qui a donné naissance à Jama’atu Ahlis Sunnah lid-Da’wati wa’l-Jihad (Jas) et a la province de l’État islamique d’Afrique de l’Ouest (Iswap)- les départs ont commencé. En cette période, il y eut jusqu’a 800 associés de Boko Haram qui s’étaient rendus au gouvernement en trois semaines. Fin de cette même année, plus de 1 000 avaient quitté le groupe au Nigeria.

L’étude montre que la période où les combattants ont commencé à partir du groupe s’étale de 2015 à 2020. Jusqu’en 2020, le nombre est estimé à au moins 4 227 départs. Le rapport ISS souligne également que les départs sont surtout constatés au Cameroun où les gens se rendent aux autorités  du fait que certaines communautés sont proches de la frontière entre les deux pays.

Les raisons des départs massifs évoquées par l’étude ISS

Les chercheurs distinguent deux types d’individus qui partent de Boko Haram. Selon eux, il y a un premier groupe qui est constitué de civils qui « ne pouvaient pas s’éloigner des zones sous le contrôle de Shekau de son vivant par crainte de représailles impitoyables. La deuxième catégorie comprend les combattants, les commandants de haut rang et leurs familles. »

Selon eux, il y avait déjà des désertions dans les années 2014-15, mais ce sont les évènements qui donnaient l’occasion de partir. Exemple, « les actions soutenues de l’armée nigériane en 2014 et la grande opération menée par la Force multinationale interarmées contre Boko Haram quelques semaines avant les élections générales du pays en 2015 ont entraîné le départ de nombreux membres. »

Le rapport montre que les  départs plus récents ont pour motif  les opérations militaires contre le groupe, les mauvaises conditions de vie des membres et les désillusions. Deux autres raisons sont aussi évoquées par les chercheurs. D’une part, Iswap libère les civils qui ne veulent pas faire partie de leur groupe, alors qu’ils étaient forcés de rester avec Shekau pour effectuer des travaux forcés et comme boucliers humains. D’autre part, on constate aussi que des combattants de Jas ne veulent pas rejoindre Iswap et fuient pour leur sécurité.

L’étude relève cependant que le désengagement ne se constate pas au Niger ou au Tchad. La sous-unité Bakura Doro de Jas de Shekau qui opère sur les îles du lac Tchad, est restée en place. Cette sous unité n’est pas non plus touchée par les combats pour le leadership contre Iswap, car elle est éloignée.  Les commandants qui ont été forcés de rejoindre Iswap, ont été déchus. Ils exhortent leurs combattants à protester contre l’injustice de la mort de Shekau. Ils réalisent qu’ils ne peuvent pas vaincre Iswap au combat et deux choix se présentent à eux : se rendre à l’armée ou faire un long voyage vers la région des îles du lac Tchad où sont basés les nouveaux dirigeants Jas, Bakura Doro et Bakura Sa’alaba.

Ces départs sont une opportunité pour les gouvernements de vaincre Boko Haram

Les chercheurs défendent cette position sur la base du fait que, depuis la mort de Shekau, il y a un manque de leadership au sein de Boko Haram et un affaiblissement du groupe. Pour arriver à vaincre d’avantage le groupe puis l’Iswap, les chercheurs estiment que « les opérations militaires devraient cibler ceux qui commandent le groupe extrémiste. Cela pourrait déclencher davantage de désengagements d’Iswap, affaiblissant davantage Boko Haram dans son ensemble. » Beaucoup de combattants se rendront car cela leur offrirait une meilleure chance de survie que la mort certaine d’affronter Iswap.

L’étude propose aussi que l’armée Nigériane améliore sa conduite et son image publique. Ce qui pourrait, selon eux, « contribuer à ce que les combattants se rendent à elles, car ils seraient traités avec humanité. Les autorités peuvent en tirer le meilleur parti pour tenter de mettre fin à la crise qui dure depuis une décennie. »

Suivre les processus judiciaires et de réhabilitation dans le traitement des anciens combattants et de leurs personnes à charge, devrait être aussi la priorité des gouvernants selon l’étude. Les combattants seraient encouragés à déserter, la collecte des informations pourrait s’améliorer et les anciens combattants pourraient se réintégrer dans des communautés éloignées du bassin du lac Tchad.

En conclusion, selon les auteurs de l’étude : « Les pays doivent être préparés. Les vagues de désertion actuelles pourraient mettre à rude épreuve la capacité des centres de transit et de réadaptation. » Les chercheurs citent pour exemple le camp de transit de Meri au Cameroun.

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À propos de l’auteur

Eric lega