Désormais la rupture est consommée entre les autorités camerounaises et l’ONG internationale Médecins sans frontières (MSF). Elle se complique de plus en plus lorsque l’ONG annonce sur son site, la cessation de ses activités dans le Nord-Ouest. « Nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans une région où nous ne sommes pas autorisés à fournir des soins aux gens », déclare Emmanuel Lampaert, coordinateur des opérations de Médecins sans frontières pour l’Afrique centrale.
Et de poursuivre, « Malheureusement, nous ne pouvons pas garder notre personnel en veille plus longtemps, nous n’avons donc pas d’autre choix que de retirer nos équipes. Nos équipes avaient fourni des soins médicaux d’urgence et des services ambulanciers gratuits dans la région du Nord-ouest depuis 2018, jusqu’à ce que, en décembre 2020, les autorités camerounaises de la région suspendent ses activités…. Cette décision est intervenue après une série d’allégations accusant nos équipes de soutenir les groupes armés locaux, ce que nous avons constamment et catégoriquement rejeté, tant lors de réunions avec les autorités que sur la place publique. Malgré des mois d’échanges, les autorités ne nous ont pas accordé de reprendre nos activités médicales », poursuit-il.
Les deux parties ne s’accordent pas sur la reprise des activités de l’organisation humanitaire dans le Nord-Ouest, suspendues depuis le 8 décembre 2020 par une décision du gouverneur du Nord-Ouest, Adolphe Lele Lafrique. Cette suspension est intervenue après plusieurs rappels à l’ordre des autorités camerounaises. On reproche à MSF d’apporter des soins médicaux aux séparatistes dans les zones de conflit du Nord-Ouest et Sud-Ouest. D’autres sources indiquent que le gouvernement camerounais veut que l’organisation lui fournisse des renseignements sur ses patients, ce qui est contraire aux valeurs de MSF qui se fondent sur le Droit international humanitaire (DIH). Le chef de mission de MSF au Cameroun, le Dr Tamakloé Koku, avait été reçu deux fois par le ministre des relations Extérieures (Minrex), puis par Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale (Minat) durant la mission de l’ONG. Mais ceci n’a pas changé la position des deux parties.
Crise et contraintes
Pourtant dans la région du Nord-Ouest, la violence armée a rendu l’accès aux soins particulièrement critique. Face à l’ampleur des besoins sanitaires de la population, MSF appelle le gouvernement camerounais à lever cette suspension, en vain. « L’accès aux soins de santé est une préoccupation majeure dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », précise Emmanuel Lampaert. « En raison de l’insécurité, de l’imposition de mesures de confinement, de couvre-feu et du ciblage des établissements de santé, l’accès aux soins de santé s’est fortement réduit. Au moins un cinquième des structures de soins ne sont plus fonctionnelles. Les populations déplacées osent difficilement se rendre vers les structures de santé et le ralentissement économique rend les transports et les frais d’hôpitaux encore plus difficiles à assumer. Inévitablement, la mortalité parmi les groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants a augmenté et la suspension de notre soutien médical aggrave encore les choses. »
Si la violence armée et les violations des droits humains dans les régions anglophones du Cameroun ont été documentées ces dernières années, l’impact de cette crise sur les besoins médicaux essentiels de la population a rarement été mis en lumière. Pourtant, selon les derniers chiffres de l’ONU, la violence armée dans les régions anglophones a poussé plus de 700.000 personnes à fuir leur foyer, et plus de 60.000 se sont réfugiées vers le Nigeria voisin. Plus de 1,4 million de personnes auraient besoin d’une aide humanitaire dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun. D’où la nécessité pour les autorités camerounaises de permettre à cette ONG d’opérer dans les zones de crise dites anglophones comme à l’Extrême-Nord qui fait face à la crise sécuritaire Boko Haram .