Par Idriss Abba Kaka
Il arpente le macadam de Ndjamena, sous un soleil de plomb. Il cire des chaussures du matin au soir. Des chaussures neuves, des chaussures fatiguées. Né dans le 4ème arrondissement dans une famille de huit enfants d’un père maçon et d’une mère ménagère, Abdallah , 25 ans, licencié en sociologie, espérait mieux que cirer des chaussures dans les rues de Ndjamena.
Abdallah accepte de raconter son quotidien, mais demande que son visage ne soit pas photographié. Il avoue qu’il a un peu honte de son « métier. »
Sa journée commence très tôt. Il quitte la maison vers 5 heures du matin. Il cire les chaussures jusque tard le soir. Il gagne entre 2000 et 2500 F CFA par jour, mais « ça dépend des jours», dit-il. Quand il arrive à trouver 1.000 F CFA, « c’est déjà bon », dit-il.
Son terrain de chasse favori, c’est se poster devant les grands immeubles du centre-ville à l’affut d’un client qui veut faire dépoussiérer ses chaussures avant de rentrer dans les bureaux. Abdallah rentre tard vers 18 heures, voire 19 heures. Il mange une fois par jour. Rarement deux fois. Mais il connaît une astuce pour manger. « Parfois, il y a des fêtes dans les quartiers, les gens boivent et mangent. Alors on se met en embuscade et on attend la fin de la fête pour ramasser les restes. »
Abdallah n’aime pas cette vie, mais espère en sortir. D’ailleurs, dans une grosse enveloppe, il marche toujours avec une copie de son CV et diplôme. « Qui sait, une opportunité peut se présenter », dit-il avec une lueur d’espoir dans les yeux.
Le jeune cireur reste porté par une foi dans l’avenir, malgré tout. « L’Etat ne peut pas avoir investi en nous pour qu’on finisse à la rue. J’espère un jour trouver du travail qui correspond à ma formation », dit-il avec conviction.
En attendant, il ne veut pas rester chez lui. « Je veux bouger, me battre, trouver de l’argent pour constituer un dossier à déposer à la fonction publique. » Interrogé sur ce qu’il peut faire avec cette licence en sociologie, il balbutie et reconnaît en effet qu’il a des connaissances « théoriques ». L’Etat devrait investir « dans les formations professionnelles pour les jeunes ».
Et si jamais l’Etat n’arrive pas à trouver du travail pour tous ces jeunes universitaires au chômage ? Abdallah dit que c’est une « bombe à retardement ». Il a suivi ce qui s’est passé dans les pays comme la Tunisie où un jeune vendeur de légumes s’est immolé par le feu, ce qui a causé une révolte dans le pays. « Radio Ndarason, portez notre voix, dites aux autorités que nous voulons du travail. Moi je ne veux pas passer ma vie à cirer les chaussures dans les rues de Ndjamena. »
En attendant des jours meilleurs, Abdallah cire les chaussures.