Dans le village isolé de Bola Chari, situé à une quinzaine de kilomètres de Mongo, capitale de la province du Guéra, des femmes enceintes et allaitantes parviennent à transformer un simple jardin en bouclier contre la malnutrition. Grâce à un fort esprit de solidarité et un engagement communautaire, leur initiative favorise l’émergence d’une nouvelle vie, même durant la période sécheresse.
Située à environ 500 kilomètres à l’est de N’Djamena, la province du Guéra connaît de nombreuses vulnérabilités. Avec une population d’environ 837 565 habitants, dont 61 % sont des enfants, elle est classée parmi les zones en situation de crise nutritionnelle, selon le ministère de la Santé. L’accès à l’eau potable plafonne à 53,4 %, un autre indicateur de fragilité. C’est pourtant dans ce contexte difficile que des femmes du village de Bola Chari se mobilisent pour améliorer la santé de leurs familles et de leur communauté.
Ces femmes ne sont ni activistes ni agentes de l’Etat. Elles sont des mères, épouses et des jeunes femmes, et elles luttent quotidiennement, les mains dans la terre, pour nourrir les leurs. Leur outil : un jardin communautaire né dans le cadre du Groupe d’Apprentissage, de Suivi et de Pratique d’ANJE (GASPA), un projet pilote sur le fonds allemand mis en œuvre par l’ONG ASRAD avec l’appui de l’UNICEF. Le jardinage, lancé en janvier 2025, vise à diversifier l’alimentation des femmes enceintes et allaitantes dans le village.
Un jardin nourricier au cœur du village
Khadidja Abba, nutritionniste et cheffe de projet ASRAD, précise que « ces cultures ne sont pas destinées à la vente. Elles sont exclusivement réservées à la consommation familiale, visant à améliorer l’alimentation des femmes enceintes et allaitantes. » Dans les 17 parcelles soigneusement entretenues, on trouve des épinards, des haricots, de l’oseille, ainsi que d’autres légumes-feuilles prisés au niveau local. Ces cultures permettent aux familles de bénéficier d’une alimentation diversifiée, même durant la saison sèche où les légumes-feuilles sont généralement rares.
Encadrées par cinq animatrices, les bénéficiaires se regroupent quotidiennement en petits groupes. Malgré l’éloignement du point d’eau, situé à 400 mètres, elles effectuent des tâches telles que l’arrosage, le désherbage et la récolte. Soutenues à l’occasion par leurs époux ou des bénévoles du village, leurs efforts portent leurs fruits : elles récoltent jusqu’à quatre fois par mois, augmentant ainsi la quantité de légumes verts disponibles et contribuant de manière tangible à l’amélioration de la santé des enfants.
Une dynamique féminine au cœur du changement
Fatima Ahmat, présidente du groupe GASPA, témoigne : « Avant, on ne cultivait que pendant la saison des pluies. Grâce à la formation, nous avons appris à produire toute l’année, mais aussi à sensibiliser les autres femmes sur l’importance des visites prénatales et de la vaccination des enfants. »
Ces femmes dont 26 enceintes et 45 mères allaitantes sont organisées, solidaires et motivées. L’approche est bien rodée. Chaque mois, une animatrice identifie les nouvelles femmes enceintes du village et les intègre au groupe. Après leur accouchement, elles rejoignent la section des femmes allaitantes. Ce système assure un suivi constant et un renouvellement dynamique du groupe.
Hamndé Hachim, jeune mère allaitante, la vingtaine, confie : « Je suis très contente de cette initiative. Être avec d’autres femmes pour produire ce que nous consommons est une bénédiction. On varie notre alimentation et on se sent bien. »
Mais le changement ne se limite pas aux potagers. « Aujourd’hui, toutes les femmes enceintes vont au centre de santé pour leurs consultations prénatales, ce qui n’était pas le cas avant », note avec satisfaction Hassan Ahmat, chef du village de Bola Chari. « Elles savent préparer la bouillie enrichie et chaque enfant qui naît est automatiquement déclaré à l’état civil. »
Une leçon de résilience féminine
Cette dynamique exemplaire a pu être observée lors d’une visite médiatique organisée par un consortium regroupant le ministère de la Communication, la Maison de la presse, l’Union des journalistes tchadiens ainsi que l’UNICEF. C’est avec l’appui financier de l’Allemagne.
À Bola Chari, l’espoir germe dans une terre aride. Tant que les femmes continuent à semer, irriguer et à transmettre leur savoir, la lutte contre la malnutrition reste un combat toujours d’actualité.
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