Cela fait 100 jours que le Tchad est dirigé par un Conseil militaire de transition avec à la tête le fils du défunt président Idriss Deby Itno. Le CMT a aussi dans son sein quelques généraux de renom. Dans sa mission, il est accompagné par un gouvernement dirigé par un civil. A son arrivé au pouvoir, le CMT a promis de garantir l’intégrité du territoire national et s’est fixé quelques objectifs clés qui seront réalisés dans une durée de 18 mois maximum. Parmi ces objectifs, l’organisation d’un dialogue national, la création du conseil national de transition chargé de valider la nouvelle constitution et l’organisation d’élections libres et transparentes.
Que dire des 100 jours passés au pouvoir ? Les choses avancent-elles vraiment ? Y a-t-il un changement ou une volonté de briser la continuité avec l’ancien régime ? C’est à ces questions que beaucoup de Tchadiens, hommes politiques, tchadiens lambda, tchadiens de la diaspora, leaders communautaires et religieux tentent de répondre aujourd’hui pour faire un bilan et voir comment envisager la suite.
Que retenir des actes posés par le CMT pendant les 100 jours
Plusieurs actes, allant des prises de décisions, des parties de bras de fer et des actes de répression, ont été posés pendant ces trois mois. Le premier acte est le discours du général Mahamat Idriss Deby adressé à la nation Tchadienne au lendemain de la mort de son père. Dans ce discours, le général déclarait : « Le CMT se battra corps et âme pour préserver et consolider tous les acquis de paix et sécurité qui sont les fondements de cette nation. » Cette promesse se traduira par les repressions violentes des manifestations des regroupements et des manifestations à Ndjamena comme à l’intérieur du pays. On a enregistré pour toutes les marches des morts, des blessés et de nombreuses arrestations.
On constate aussi beaucoup de réactions négatives face aux décrets de nominations signés par le CMT. Beaucoup de Tchadiens ont qualifié ces nominations de claniques, qui promeuvent la division du pays ou montrent qu’il y a des personnes privilégiées dans ce pays, comme si les compétences n’etaient pas prises en compte dans les nominations.
Une chose importante pendant les 100 jours de pouvoir du CMT, est le fait que le Conseil paix et sécurité de l’Union africaine, a épargné le Tchad de toutes sanctions éventuelles. Le CPS a qualifié la situation du Tchad d’exceptionnelle et a décidé d’accompagner la transition.
Notons aussi le fait que le CMT a acté une remise collective des peines aux condamnés de droit commun et qu’il y eut la décision de création du Comité d’organisation du dialogue national (CODNI).
Les réactions divergent mais ne jettent pas de fleurs au CMT
Roumadoumngar Felix Nialbé, chef du parti URD et ancien chef de file de l’opposition a fait une déclaration ce mercredi. Pour lui, les partis politiques doivent urgemment s’entendre pour ne pas jouer le jeu du CMT qui risque, à cause du retard que cela va causer dans la tenue du dialogue inclusif, proroger la durée de la transition. « Si la classe politique reste dans la contestation, ça va nous emmener au-delà des 18 mois. Et puis celui qui veut conserver le pouvoir, il joue sur ce que vous faites. La classe politique doit se concerter, pour que les choses puissent aller rapidement.» a-t-il dit dans un extrait rapporté par RFI.
La plateforme de revendication populaire, Wakit Tama continue aussi de revendiquer « une conférence nationale souveraine, inclusive et globale, qui permette de refonder la nation sur la base d’un nouveau contrat social porteur de paix et d’espérance ». Par la voix de son leader Max Loalngar, Wakit Tama indique que « le CMT n’a pas l’intention d’organiser une véritable réconciliation dans un esprit de justice et de vérité, il se révèle particulièrement incapable de juguler nos malheurs, ayant servi d’alibi au coup d’État du 20 avril dernier. Peuple tchadien : nous n’avons pas d’autre choix que de résister au pouvoir illégitime et illégal du CMT. »
Interrogé par Deutsche Welle, Sitack Yombatina Beni, juriste constitutionnaliste et un des vice-présidents du parti Les Transformateurs, membre du mouvement citoyen Wakit-Tama ne dresse pas non plus un bilan positif. « Nous sommes en train de faire du surplace » lâche-t-il. Apres les 100 jours, il n’y a aucune avancée dans la transition tchadienne. « …Nous sommes à cent jours, aucune avancée. D’abord, la charte qui devait être révisée qui a été demandée par l’Union africaine et tous les partenaires, à l’heure où nous parlons, la Charte n’a pas connu une modification. Ensuite, le processus de conférence nationale souveraine n’a connu aucune avancée. Le décret qui veut mettre en place les futurs députés de demain, c’est un groupe de personnes qui constituent le régime passé… Même sur les questions de droits de l’Homme, de libertés fondamentales, le tableau est très sombre. Donc, cent jours plus tard, nous sommes en train de faire du surplace. »
La rédaction de Radio Ndarason a tendu son micro à l’homme de la rue, mais les réactions divergent. Cet homme s’étonne que le Tchad n’ait pas sombré comme son voisin du Nord, la Libye : « Après la mort de Deby, je pensais que le Tchad allait être dans le chaos comme la Libye mais non. C’est le seul côté positif du CMT. De plus les salaires continuent de passer chaque mois. Sinon beaucoup de Tchadiens ne sont pas encore sûr de la suite et ne souhaitent pas que le fils reste au pays. »