Oui. Vous avez bien lu : telles les abeilles qui pollinisent les fleurs, les oiseaux disséminent les œufs des poissons et jouent un rôle important mais peu connu. Rencontre avec deux ornithologues, de retour d’une mission dans la province du Lac.
Dès la rencontre, intarissables, Pierre Defos du Rau et son collègue Julien Birard, vous emmènent dans les airs et les aires, à la découverte des oiseaux. Pierre Defos du Rau et Julien Birard sont des ornithologues. Ils aiment, étudient et suivent les oiseaux depuis de nombreuses années.
Interrogés par Ndarason, de retour du Lac, les deux spécialistes, rentrent émerveillés par le lac Tchad, cette étendue d’eau douce profonde partagée entre le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria et qui abriterait entre deux à trois millions d’oiseaux d’eau migrateurs.
Pierre Defos du Rau explique : « la province du Lac comporte une grande variété de zones humides. De nombreuses plaines inondables entourent cet écosystème qui abrite des plantes aquatiques, mais aussi des oiseaux migrateurs qui utilisent ces plaines comme aires de repos et d’alimentation.»
Les deux ornithologues suivent le mouvement des oiseaux migrateurs sauvages au Sahel. Ces oiseaux sont pour la plupart africains, mais d’autres sont intercontinentaux et se déplacent entre l’Afrique et l’Europe.
Pierre Defos du Rau a visité beaucoup de pays qui abritent des oiseaux comme le Soudan, l’Égypte, le Sénégal et autres Mali. De retour de sa mission au Lac, il est toujours fasciné. « J’ai pu survoler l’ensemble de la partie tchadienne au Lac, je n’ai jamais rien vu d’aussi extraordinaire depuis un avion. »
Mais, au fait, « étudier et suivre des oiseaux », n’est-ce pas une « lubie » d’Occidentaux en mal de sensation ? La question ne gêne pas l’ornithologue qui ne se démonte pas. Pierre Defos du Rau devient alors pédagogue et explique avec calme, mais passion : « Peu de gens le savent, mais les oiseaux migrateurs qui se déplacent entre marigots au sein du lac et à l’extérieur transportent, en les avalant ou dans leur plumage, des graines de plantes. Ce qui permet de réensemencer certains marigots qui manquent de végétations aquatiques et qui seront donc moins favorables à la reproduction de poissons. »
Cette fonction des oiseaux d’eau est en effet peu connue du grand public.
— Un peu comme les abeilles pollinisent les plantes ? Je demande.
Et le spécialiste s’anime. « Effectivement ! On a même montré récemment que les oiseaux d’eau migrateurs étaient capables de transporter, en les avalant puis en les rejetant dans le milieu, des œufs de poisson et, notamment, de carpes. C’est donc très important pour la présence des carpes dans l’ensemble des marigots qu’ils restent des oiseaux sauvages pour disséminer leurs œufs. »
Très bien. Les oiseaux jouent donc un grand rôle dans le réensemencement. Mais je ne suis pas (totalement) convaincue. Et j’ai un argument, de taille.
— Les oiseaux sont aussi souvent le cauchemar des agriculteurs, nuisibles pour les cultures !
Imbattable. L’ornithologue explique encore : « C’est un vrai souci humain. Pas forcément écologique. Mais l’une des premières choses à faire pour éviter que les oiseaux se reportent sur les cultures, c’est de limiter, voire ne jamais détruire les habitats naturels. En fait dans le monde entier, on observe que les zones humides, les marigots sont asséchés pour être cultivés. Et les oiseaux qui, naturellement, venaient se reproduire et se nourrir dans ces zones humides, se reportent, basculent sur les cultures. La région du Lac qui est probablement la plus importante pour les oiseaux d’eaux migrateurs dans toute l’Afrique doit conserver ses habitats naturels, son patrimoine naturel, ses grands marais pour que les oiseaux d’eau continuent de se nourrir pour qu’ils n’aillent pas se reporter sur les cultures voisines. »
Bon point encore pour l’ornithologue. Mais comment faire comprendre à la population du Lac l’importance de protéger les oiseaux et leurs habitats ?
L’ornithologue a une explication très convaincante, pour cette province où le poisson est une ressource alimentaire importante : « Dans le lac Tchad, vu qu’une grande partie de stocks des poissons pêchés sont des carpes, les oiseaux sont probablement importants pour faire revenir les carpes en disséminant leurs œufs dans les différents marigots asséchés. C’est une hypothèse qui a été prouvée en Europe et reste à prouver pour le Lac. Ce serait intéressant de faire cette étude. »
Oiseaux d’eau migrateurs, une manne tombée du ciel
L’ornithologue reconnaît aussi que les oiseaux sont certainement aussi très importants comme nourriture pour les populations locales et les populations des pêcheurs qui peuvent s’en nourrir. « Je ne connais pas la règlementation locale pour la chasse aux oiseaux d’eau sur le lac Tchad. Néanmoins, dans d’autres régions du Tchad, je sais que la chasse aux oiseaux d’eau est très importante pour la sécurité alimentaire des gens. »
Bref, les oiseaux doivent être protégés pour leur fonction écologique, parce qu’ils contribuent très directement à la dissémination des plantes aquatiques, des œufs d’autres animaux tels que les poissons, les escargots, etc. « Très directement, les oiseaux contribuent à faire fonctionner l’écosystème et le maintenir en bonne santé, mais ce sont également des ressources nutritionnelles, les oiseaux constituent une part de protéine animale de subsistance pour les communautés locales. »
La survie des oiseaux est donc une question importante non seulement en Afrique, mais dans le monde entier. D’où l’importance de suivre les mouvements d’oiseaux d’eau migrateurs.
Le Tchad, comme des dizaines d’autres pays en Afrique et en Europe est signataire d’une convention sur les espèces migratrices et notamment les oiseaux d’eaux migrateurs entre Afrique et l’Europe (AEWA | Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie). Cette convention des Nations unies confirme que l’ensemble des pays et des parties reconnaissent officiellement l’importance des oiseaux d’eau migrateurs pour leur pays.
Les deux ornithologues saluent l’accueil qu’ils ont reçu au Tchad et dans la province du Lac et expriment leur gratitude à « Tour du Valat » et de la « Fondation Wings for Conservation | Aircraft | Conservation | Africa | Elephants », deux organisations qui ont permis cette mission au Lac Tchad.
Un regret toutefois, d’après les deux experts, les études sur le Lac sont trop épisodiques, il faudrait que la coopération internationale se mette en place pour avoir un suivi un peu plus régulier. Une formation des ornithologues tchadiens est envisagée : « Avec notre partenaire tchadien de la direction de la faune et des aires protégées du ministère de l’Environnement, on cherche à former des ornithologues au Tchad à travers une formation gratuite en ligne (MOOC) et accessible à tous. »
L’objectif est d’apprendre à identifier les espèces d’oiseaux d’eau d’Afrique du Nord et du Sahel, les techniques de dénombrement et l’importance de suivre et de protéger ces oiseaux. Et il y a urgence : d’après un rapport de l’ONU paru à l’occasion de la quatorzième Conférence des parties (COP) de la Convention sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), une espèce migratrice sur cinq est menacée d’extinction…
Tamaltan Inès Sikngaye
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