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Agriculture et élevage

Le désert tchadien, une terre morte ressuscitée

Temps de lecture : 6 minutes

Au milieu du désert tchadien, là où l’on s’attend à un spectacle de désolation, nu, apparaissent des légumes et des fruits en quantité, telle une fleur sauvage. Oui, tout est possible sur une terre morte. C’est le cas dans les régions du Batha, Ennedi Est, Ennedi Ouest et du Wadi Fira, où le défi des agriculteurs est d’adapter les plantes à des conditions particulièrement difficiles. Rencontre avec Jean-Luc Mathey et Cletus Degboevi, de retour d’une mission dans ces régions aux deux tiers désertiques.

Jean-Luc Mathey est le chargé de portefeuille senior Afrique francophone GIZ-InS, et Cletus Degboevi, le coordonnateur du programme «  Gestion des Eaux de Ruissellement dans le Tchad Sahélien » (GERTS). Sous couvert de la Deutsche Gesellschaft für Internanationale Zusammenarbeit Internationale Service (GIZ-InS), Jean-Luc Mathey et Cletus Degboevi aident à travers le programme GERTS, à la création d’opportunités économiques et à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations des régions  du Batha, Ennedi Est, Ennedi Ouest et du Wadi Fira.

Menacés par l’avancée du désert, les habitants de ces zones tentent de pratiquer l’agriculture et l’élevage autour des oasis. Jean-Luc Mathey dit avoir été saisi par la force de la population lors de sa première visite dans ces régions. « Voir des tomates fraîches et des pommes de terre en plein milieu du désert… je m’attendais à tout, mais, pas à ça ». D’après lui, les gens considèrent le désert comme une terre morte où rien de bon ne pourra en sortir, or, tout est possible avec certaines études et certaines conditionnalités. « Le désert on dit que c’est une ancienne mer, mais, si on regarde un peu ce qui se passe lorsqu’il pleut, avec le phénomène des oasis on se rend compte que dans le désert par le passé il y avait des rivières, des fleuves. Et pendant la saison des pluies, on voit ces anciennes rivières se reconstituer. Si on sait localiser  par les études où elle se situe, avec le cheminement de l’eau, on peut la gérer ».

— Le désert n’est finalement pas une terre invincible, je veux dire, l’homme peut y pratiquer l’agriculture ?

Jean-Luc Mathey explique : « Tout est possible si on arrive à gérer l’eau. Après, on reste quand même dépendant de la mer nature. Donc, il faut qu’il pleuve un minimum. S’il  ne pleut pas du tout, on ne pourra rien faire. La question de la  pluviométrie est très importante. Le miracle peut s’opérer qu’avec de la pluie ». A l’en croire, l’agriculture dans le désert ne se limite pas à la sélection de cultures qui résistent normalement aux conditions difficiles du désert. C’est là qu’intervient le programme «  Gestion des Eaux de Ruissellement dans le Tchad Sahélien » (GERTS) dans les régions du Batha, Ennedi Est, Ennedi Ouest et du Wadi Fira. Ce projet est financé à sa quatrième phase par la Direction du Développement et de la Coopération (DDC), et cofinancé par l’Agence Française de Développement (AFD).

Ainsi, le GERTS est axé non seulement sur la récupération des terres dégradées, mais aussi sur leur valorisation à travers des activités agro-pastorales, et surtout sur la conscientisation des populations bénéficiaires pour la gestion paisible et durable des ressources naturelles dans leur terrain respectif. « Ce sont des projets participatifs. On ne vient pas par hasard et on décide la construction des seuils. La précondition est que la population soit motivée, qu’elle s’entende parce qu’il s’agit des terres et il faudra éviter des conflits de terrain », a indiqué Jean-Luc Mathey.

— Quelle chance de durabilité pour ce projet ? Je veux dire, comment font ces populations pour maintenir sur le long terme les seuils ?

Là encore, Jean-Luc Mathey a une explication pour ces populations qui tirent leurs moyens d’existence uniquement sur l’agriculture et l’élevage. « Ces ouvrages peuvent mesurer 60 mètres sur 2 à 3 mètres de haut voire, 2 km. Et quand vous avez un ouvrage de 2 km, l’entretien au bout d’un certain temps peut être très lourd et c’est là que doit intervenir l’Etat tchadien pour aider ces populations à maintenir ces ouvrages parce qu’elles-mêmes ne peuvent pas toujours avoir la capacité, même avec la meilleure volonté de les entretenir ».

Les cultures pratiquées dans les régions ciblées par le programme GERTS, sont le mil, le sorgho, le maïs, et d’autres spéculations qui se font au niveau de maraichage comme le gombo, tomate, pomme de terre… Ceci, en fonction de différents groupements que le programme accompagne en collaboration avec l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER).

— Est-ce que le sol du désert est suffisamment fertile où il doit être enrichi par des engrais ?

Ici, Jean-Luc Mathey est un peu partagé. « Cela dépend de la façon dont le seuil va travailler parce qu’il va apporter des alluvions qui naturellement sont déjà là et vont fertiliser le sol. La question des engrais, je dirais peut se poser si on veut monter en quantité et en intensité. Pour l’instant, on va se concentrer sur des cultures avec les pesticides bio, car, tout  pousse déjà très bien. On travaille en fonction des contextes. Peut-être, après-demain où on va intensifier ».

Bref, le programme «  Gestion des Eaux de Ruissellement dans le Tchad Sahélien » (GERTS), n’est pas seulement une porte d’accès aux sources de revenue pour les populations ciblées, mais, c’est aussi, le vivre ensemble.

« Tout ce que nous faisons aujourd’hui contribue à la cohésion sociale parce qu’hier, il y a des villages qui ne s’entendaient. Aujourd’hui, le fait de pouvoir rester ensemble, pouvoir commencer à faire certains types d’activités ensemble et se retrouver périodiquement, échanger entre eux, aborder ensemble les questions de développement est victorieux », a fait savoir Cletus Degboevi, coordonnateur du projet GERTS.

De son côté, Jean-Luc Mathey a conclu que dans le désert, tout est possible si on a un peu d’eau. « C’est un outil de pacification. L’eau étant rare, il y avait des conflits autour des puits, maintenant que l’eau est plus disponible, il y a moins de conflits. Y a une meilleure gestion. Les conventions locales permettent de gérer l’accès à l’eau entre les agriculteurs et éleveurs.

@Courtesy of GIZ

 

Tamaltan Inès Sikngaye

 

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Tamaltan Inès Sikngaye

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