Le Tchad fait partie des pays confrontés à la menace des mines et restes explosifs de guerre. Les zones contaminées sont dangereuses et aucune activité économique n’est possible. On estime que les mines et les restes explosifs de guerre auraient blessé, mutilé ou tué plus de 3 650 personnes depuis les années 90. Explications de Caroline Bruvier, cheffe de projet à Mines Advisory Group (MAG).
Comment se présente le problème des mines au Tchad ?
Il y a deux grosses problématiques au Tchad. La première est celle des mines antipersonnelles et antichars qui sont encore présentes. Ce sont des vestiges de la guerre avec la Libye dans les années 80, cela touche principalement le BET (Borkou, Ennedi, Tibesti) au nord du pays. Ces mines représentent forcément un grand danger pour les populations, les nomades, le bétail, etc. Selon les derniers chiffres, environ 80 millions de mètres carrés de terre au Tchad seraient pollués par les mines. La seconde problématique est celle des restes explosifs de guerre. Ce sont des munitions qui ont été tirées lors d’un conflit, mais qui n’ont pas explosé parce qu’elles étaient défectueuses ou quelque chose n’a pas fonctionné. Ces engins représentent toujours un danger. C’est le problème majeur au Tchad parce que ce sont près de 300 millions de mètres carrés dans tout le pays qui sont pollués par les restes explosifs de guerre. Actuellement, c’est cela qui menace le plus les communautés parce qu’on les trouve dans les champs, les écoles, les rues et souvent, malheureusement, ce sont de jeunes enfants qui sont attirés par ces objets brillants et métalliques. Les enfants les ramassent, jouent avec et malheureusement ils explosent.
Comment se passent vos opérations sur le terrain ?
Le déminage permet de restituer des terres sans risque aux communautés, de réduire les accidents et d’assurer la sécurité des populations. Cela se fait par la détection, l’enlèvement et la destruction de toutes les mines se trouvant dans une zone dangereuse confirmée ou une zone soupçonnée dangereuse. La cartographie est utilisée pour marquer les zones potentiellement contaminées par des mines.
Le déminage humanitaire est codifié et règlementé par les Normes Internationales de Lutte contre les Mines.
Nos équipes sont composées des démineurs issus du haut-commissariat national de déminage. Nous avons contribué à renforcer leurs capacités en les formant et en les équipant.
Concrètement, comment les démineurs travaillent ?
Le déminage est un processus lent, pénible et mobilisant beaucoup de ressources. Les travaux de déminage suivent une procédure en trois étapes, à savoir : Les démineurs sont déployés sur une tache définie suivant les priorités identifiées par l’autorité nationale. Suivant le type d’engins explosifs à dépolluer, le déminage humanitaire peut soit déployer des équipes de déminage manuel, soit déminage mécanique soit même dans certains contextes des équipes de détection faisant appel à des animaux (qui complètent le déminage manuel). Au Tchad, le déminage manuel et le déminage mécanique sont privilégiés.
Le déminage manuel est une méthodologie qui se base sur l’utilisation de détecteurs de métaux, qui vont être calibrés sur un signal spécifique suivant le type de contamination et la profondeur de recherche. Le démineur va ensuite balayer consciencieusement chaque centimètre de terrain, et progresser méthodologiquement. A chaque signal détecté un protocole d’excavation est déployé pour mettre à jour l’engin détecté, procéder à son identification et à sa destruction de manière sûre.
Le déminage mécanique est déployé sur des terrains favorables à l’utilisation de machines. Différents types de machines existent qui vont viser à mettre à nu les engins explosifs et détruire par percussion certaines mines.
Avant d’être formellement remis à la disposition des communautés locales pour être utilisés, les terrains déminés font généralement l’objet d’un contrôle de qualité, le but étant de s’assurer qu’ils peuvent réellement être utilisés comme prévu, en toute sécurité.
Quid de la sécurité des démineurs durant les opérations de déminage ?
MAG a des procédures opérationnelles standard qui respectent des normes internationales. Nous avons des procédures d’urgence en cas d’accident. Chaque équipe de déminage dispose toujours d’une ambulance avec un infirmier à proximité pour stabiliser un éventuel blessé en attendant une évacuation. La priorité pour Mines Advisory Group c’est la sécurité des équipes qui font le déminage. On ne peut pas d’une part vouloir réduire la menace pour les communautés et, d’autre part, mettre nos employés en danger.
Dans les différentes zones d’intervention de MAG, comment les communautés perçoivent-elles le projet de déminage ?
Pour décider une intervention, ce n’est pas MAG qui choisit où on va aller. C’est plutôt les communautés qui rapportent au Haut-commissariat national de déminage leurs inquiétudes, leurs soupçons. Le Haut-commissariat national de déminage va mener des enquêtes pour voir si c’est une menace réelle ou pas. À partir de là, le Haut-commissariat national de déminage, en partenariat avec le MAG, va établir les zones à dépolluer en priorité . Cela vient toujours des communautés. Ce sont elles qui vivent directement la menace. Nous avons un département liaison communautaire qui traite directement avec la communauté, identifie les zones dangereuses, mène des enquêtes pour déterminer la superficie des zones dangereuses, et fait les séances d’éducation aux risques. On ne peut pas faire du déminage et ne pas informer les communautés sur les risques.