Chaque année, au mois de juin au cœur de la saison des pluies au Mandoul, les femmes s’en vont ramasser les fruits tombés de l’arbre de karité. Dans cette région située au sud à 720 km de N’Djamena, environ 400 femmes regroupées en coopératives transforment des noix de karité en un beurre de karité brut. Le produit est envoyé à N’Djamena. Là, Odette Monembaye Tolmbaye entre en jeu. Découverte.
Mère de trois enfants, Odette Monembaye Tolmbaye est riche d’un brillant parcours professionnel. Traductrice pour de grandes entreprises internationales, elle a vécu en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud, au Congo, au Canada, etc.
De retour au Tchad, elle vit un drame familial : sa cousine germaine préférée, Florence, meurt. Cette femme animatrice des coopératives de femmes dans le sud, qu’Odette appelle affectueusement « ma sœur » travaillait dans la transformation de noix de karité à Koumra. La détresse est grande dans les coopératives, car Florence avait tout donné dans ce projet.
Odette va prendre une grande décision : reprendre le flambeau de sa sœur. La traductrice va se muer en entrepreneure.
« C’était un devoir, honorer la mémoire de ma sœur défunte et perpétuer sa présence dans la coopérative. Bref, je ne pouvais pas laisser tomber le projet que ma sœur aimait tant. J’ai me suis lancée dans la transformation du beurre de karité. »
« Douceurs méridionales », le nom de la marque de beurre de karité commercialisé par Odette était né.
L’idée était belle, mais les défis nombreux. Odette égrène les obstacles, la liste est longue. Déjà, il fallait apprendre comment faire pour transformer le beurre que les femmes de Koumra lui envoient. Un beurre de très grande qualité appelé « Nilotica ». Elle a appris sur YouTube à l’épaissir avec de la cire d’abeille. La cire d’abeille est extraite du miel produit dans la coopérative Gaëlle, toujours à Koumra. « Douceurs Méridionales », son beurre est un mélange du beurre de karité avec d’autres huiles enrichissantes comme l’huile de sésame, produite par les coopératives de Mongo dans le Guerra. « Je travaille toujours avec les coopératives parce que je veux me positionner comme un maillon dans la chaîne de la valorisation de nos produits locaux ». Le produit était bon, mais un autre problème se posait : trouver des pots pour le commercialiser. Les pots étaient rares au Tchad.
Odette a dû les importer du Cameroun. « J’ai demandé à mon cousin d’aller se renseigner sur la possibilité de m’obtenir ces pots et c’est ainsi qu’il a pu me les envoyer à partir de Douala ».
Finalement, avec la volonté et la détermination, Odette a pu lancer son activité. « J’ai fait les premières mises en pots. Mes collègues de travail ont été mes premiers clients ». Le succès est immédiat.
D’après elle, les Tchadiens pensaient que le beurre de karité de qualité ne venait que du Burkina Faso. Selon elle, le Tchad peut produire la meilleure qualité de beurre.
Mais le chemin de « Douceurs méridionales » est encore long. Aujourd’hui, les coopératives de femme sont confrontées à la rareté des noix de karité très prisées par les nomades qui collectent des noix de karité pour les revendre. Ce qui fait que quand les femmes qui collectaient les noix au début pour les vendre aux coopératives n’en trouvent plus. Et même quand elles en trouvent, elles en vendent cher, la loi de l’offre et de la demande ».
La hausse du prix de la matière première impacte directement sur le coût de production des pots « des Douceurs Méridionales. « Si le litre de beurre de karité coûte 2500 F CFA, le litre depuis Koumra, à combien le vendre à N’Djamena une fois travaillé et enrichit avec d’autres huiles comme l’huile de sésame qui vient du centre du Tchad dans la région de Guéra ».
Visionnaire, Odette pense à planter « l’arbre à karité », la plante qui donne les noix de qualité. La pousse est lente, mais ce serait en effet une solution à la pénurie des noix de karité que se disputent les coopératives des femmes et les populations nomades.
Le programme de Soutien au développement des filières arachide, karité et sésame au Tchad (SODEFIKA) a initié un projet de plantation l’arbre à karité avec l’appui de la Coopération suisse dans la région du Mandoul.
Odette Monembaye Tolmbaye est inarrêtable. « Aujourd’hui, je peux produire plus de 1000 pots de beurre de karité si j’ai les bocaux ».
Elle veut améliorer davantage la qualité de son beurre « Douceurs Méridionales », pour gagner le marché international. Elle regrette que malgré la qualité du beurre de karité local, des Tchadiens continuent à importer en grande quantité des produits cosmétiques du Nigeria. « Pourtant au contraire de ses produits cosmétiques industriels importés, le beurre de karité est naturel, sain, riche, nourrit et protège la peau ».
A 60 ans, infatigable, elle apprend, se perfectionne dans l’art de fabrique de beurre de karité. Elle participe à la plupart des manifestations commerciales nationales pour faire connaître son produit. Elle ne s’en cache pas : elle a l’ambition de lancer une grande société de cosmétique dédiée au beurre de karité, naturellement.
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