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Prévention et lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation au Tchad : Une stratégie nationale est née.

8 décembre 2017
Temps de lecture : 7 minutes

Il s’est tenu du 4 au 5 décembre 2017 à N’Djamena au Tchad un atelier sur la formulation de la stratégie nationale de prévention de l’extrémisme. Une centaine des délégués de la communauté du bassin du lac Tchad, des différents ministères, des agences onusiennes, des associations féminines, des médias…,  ont pris part à ces assises de N’Djamena. Ces travaux de deux jours ont débouché sur l’élaboration d’une stratégie nationale tchadienne de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation.

Le contexte

La tenue de cet atelier se tient dans un contexte particulier au Tchad. Ce pays et tous les autres pays du bassin du lac Tchad font face depuis plusieurs années  à  l’extrémisme violent du mouvement insurrectionnel Boko Haram avec des conséquences humaines, économiques, sociales graves.

L’onde de choc des activités de Boko Haram, ce mouvement insurrectionnel et terroriste d’idéologie salafiste djihadiste, a secoué très fortement l’économie de la région tchadienne du lac. Elle, l’onde choc, a eu un impact majeur sur les économies des familles vivant de la pêche, de l’élevage et de la vente des sous-produits de l’élevage, détruisant du coup le tissu socio-économique, aggravant la pauvreté d’une région qui s’organisait pour survivre.

Les reportages réalisés par Dandal Kura Radio International N’Djamena à Bol et Liwa avec le concours de nos correspondants illustrent avec suffisance l’impact des activités de ce mouvement originaire du nord-est du Nigeria, mouvement qui a pour objectif affiché l’instauration d’un califat et l’application de la charia.

Cette onde de choc est venue aggraver une situation déjà existante sur la santé, la nutrition, l’éducation, les violences faites sur les femmes, … .

N’oublions pas les milliers des personnes arrachées de leurs milieux naturels de vie, de leurs activités de survie, contraintes de vivre une vie de déplacés avec les enfants.

Les combats menés par les forces de défense et de sécurité tchadiennes et ceux par la force multinationale mixte ont permis de contenir le mouvement insurrectionnel dont les actions sont réduites a des actes de terrorisme isolés. Mais la menace plane dans le ciel tchadien comme un vautour à la recherche d’une proie. D’où nécessité d’une stratégie de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation au Tchad.

Nous avons abordé l’expert national sur l’extrémisme et la radicalisation, en charge des questions institutionnelles et juridiques, au Tchad pour nous éclairer sur la situation. C’est cette interview que nous reproduisons dans les lignes qui suivent.

DKRI : Qu’est-ce-que l’extrémisme ?

Expert national : L’extrémisme est une attitude qui amène des gens a une réaction négative et brutale. C’est la première étape de la radicalisation. Lorsque quelqu’un est frustré par un comportement, une attitude ou simplement par un geste négatif, la première réaction est de se braquer. Il est déjà dans la phase de la radicalisation. S’il n’a pas de réponse a son état de colère, de frustration, parce qu’il a subit une injustice, il passe à une autre phase, celle de l’extrémisme violent. En ce moment-là, il a une attitude beaucoup plus négative que la première attitude qui n’est qu’une première phase. Et lorsque cette phase persiste, elle débouche sur la violence. L’extrémisme violent va à la radicalisation. De la radicalisation, on passe à la violence.

DKRI : Quelles sont les grandes lignes de la stratégie de lutte contre l’extrémisme violent ?

Expert national : Il faut d’abord identifier  les causes : Pourquoi on devient violent ? On devient violent parce que l’on se trouve dans une situation qui vous met mal à l’aise. Je prends un exemple simplement. Quelqu’un a un problème avec son voisin. Il va voir l’autorité qui est chargée de régler ce problème, le chef de carré ou le chef de quartier, mais ne trouve pas de solution. S’il ne trouve pas de solution et que le voisin continue à le déranger, il va faire la même chose que le voisin. Si ce dernier ne comprend pas, ils vont finir par se rentrer dedans. C’est la violence qui s’installe.

Toujours répondre aux préoccupations des autres qui souffrent d’une injustice ou d’un manque quelque part. La pauvreté peut amener à l’extrémisme.

DKRI : Qui devra faire quoi dans cette stratégie ?

Expert national : Chacun de nous a sa part de responsabilité. Tous les citoyens sont concernés, mais au-delà du citoyen, il y a d’abord l’Etat. Il doit travailler sur la coexistence pacifique des citoyens. L’Etat a son rôle à jouer, mais nous tchadiens, nous sommes tous des croyions. Au niveau des Églises, nous devons penser à faire vivre les fidèles   en coexistence pacifique. Et cette coexistence pacifique passe par le dialogue : le dialogue entre citoyens, dialogue entre religions et dialogue à l’intérieur des Églises. L’extrémisme n’est pas seulement musulman. Il est à l’intérieur de toutes les religions, il est dans tous nos comportements.

DKRI : D’où doivent provenir les moyens d’action dans la prévention de l’extrémisme violent et la lutte contre la radicalisation ?

Expert national : On a besoin des partenaires techniques et financiers, en plus des moyens propres de l’Etat tchadien. L’Etat va mettre ses moyens, mais ces moyens ne suffisent pas. Le gouvernement a fait adopter le plan national de développement qui intègre les problèmes évoqués autour de ces ateliers.

DKRI : Quels rôles les médias doivent jouer dans cette stratégie ?

Expert national : Les médias ont un rôle très important, très important à jouer dans ce sens que la sensibilisation est le premier élément pour faire comprendre à chaque tchadien le rôle qu’il doit jouer pour que ce pays vive en paix.

Les médias ont un travail de proximité à faire. Un travail de sensibilisation par la presse écrite comme la presse audiovisuelle. C’est pour cela que nous avons programmé dans ce plan une place importante avec un budget important pour la presse. On a besoin de la presse. Sans la presse, nous allons aller à la perte parce qu’il y a des fausses diffusions, il y a des idéologies négatives qui sont développées et seule la presse peut nous aider à démentir les idéologies négatives développées au niveau des religions, au niveau des citoyens.

DKRI : Quel message envoyez-vous à la population qui reçoit de plus en plus d’activistes de Boko Haram qui rentrent à la légalité ?

Expert national : C’est vrai qu’il y a des repentis, mais ils posent problème. Il faut beaucoup, beaucoup de travail sur les populations qui accueillent ces repentis, de changer de mentalité et d’accepter de soigner ces repentis, car, pour nous ces repentis sont des malades qu’il faut accepter, soigner. C’est cette acceptation qui va aider ces jeunes a réintégrer leurs communautés.

DKRI : Quelle est la prochaine étape ?

Expert national : Nous avions fait une validation technique. Tous les acteurs de la vie nationale ont participé  à ces assises.  Après cette étape, nous allons finaliser le document avec les observations que nous avons reçu pour mettre à la disposition du PNUD. Le programme des nations Unies pour le développement et son partenaire, le gouvernement, vont valider politiquement le document. La mise en œuvre suivra.

La rédaction de Dandal Kura radio International N’Djamena

À propos de l’auteur

Ali